Mariazell : sanctuaire marial du cœur de l'Europe
La position géographique de Mariazell et la naissance du sanctuaire
Mariazell est le sanctuaire le plus important de l'Autriche, et au cours de sa longue histoire il a attiré des pèlerins de toute l'Europe centrale. La petite ville, qui compte aujourd'hui 2.000 habitants, accueille chaque année des millions de pèlerins et de visiteurs. De toutes les directions du vent, des routes et des sentiers, traversant les hautes montagnes, conduisent au sanctuaire. Mariazell est situé dans la partie Nord-Est de la Styrie (Obersteiermark), près de la frontière avec le land de la Basse Autriche (Niederösterreich), à environ 160 km de Vienne. Le sanctuaire marial est la tête de ligne de la voie ferrée de Mariazell (Mariazellerbahn), un chemin de fer à écartement réduit qui conduit de St Pölten à Mariazell sur une distance de 85 km. Le chemin de fer, qui a été achevé en 1907, monte et descend plus de 700 mètres. Il témoigne du fait que Mariazell était l'un des lieux les plus visités dans le Royaume austro-hongrois du XIXe siècle. On ne craignait alors ni les efforts ni les dépenses pour conduire les pèlerins à la Madone de Mariazell. Mais il est encore vrai aujourd'hui que Mariazell se trouve au milieu des montagnes. Les grandes voies de communication passent loin de Mariazell. Une visite de ce sanctuaire demande par conséquent encore aujourd'hui de l'amour pour Marie et une décision consciente.
Cette année Mariazell fête le 850e anniversaire de sa naissance comme sanctuaire. Peu nombreux sont les sanctuaires en Europe centrale pouvant se vanter d'un passé aussi impressionnant. Sur sa naissance on raconte cette légende : l'abbé du monastère bénédictin de St Lambrecht, Otker, envoya en 1157 un de ses moines, nommé Magnus, dans la région de Mariazell, qui faisait partie des possessions du monastère. Le moine était chargé de s'occuper du soin pastoral des habitants de la région. Avec la permission de son abbé, il emporta avec lui, dans son long voyage, une statue mariale en bois de tilleul. Le soir du 21 décembre un rocher obstrua sa route. Alors Magnus demandant de l'aide s'adressa à la Mère de Dieu, et le rocher se fendit, libérant la route. Arrivé à destination, le moine posa la statue sur un tronc d'arbre et commença à construire sa " cellule ", qui devait servir comme chapelle et en même temps comme habitation pour lui. " Marie dans la cellule " donna ainsi son nom au lieu. Le jour mémorable du 21 décembre 1157 oú le moine Magnus arriva avec la Madone à Mariazell, est rappelé dans un document du pape Adrien IV (1100-1159). La statue mariale est devenue une image miraculeuse célèbre que l'on vénère encore aujourd'hui comme " Magna Mater Austriae ", la Grande Mère de l'Autriche.
L'image miraculeuse de Mariazell
L'image miraculeuse est une statue en bois de 48 cm de haut. La Madone est assise et de sa main droite serre l'Enfant contre elle, tandis que de la main gauche elle lui donne une poire, et l'Enfant donne une pomme à sa Mère. Peut-être cette image s'inspire-t-elle de Rupert von
Deutz (ca 1075 - 1129/30) qui, pour ce qui concerne l'histoire du salut, met en relation Eve et Marie, et voit dans le fruit le péché et la rédemption. Dans son interprétation du Cantique des Cantiques, il écrit : " Qu'il vienne dans mon jardin et mange les fruits de mes arbres ; ce n'est pas comme Eve invita son compagnon que j'invite mon bien-aimé. Elle invita son compagnon à manger la pomme qui ne lui appartenait pas, un fruit inconnu et interdit. Quant à moi j'invite mon bien-aimé à ne pas manger les fruits d'arbres inconnus mais de ses arbres ; le fruit qu'il entend quand il dit : ma nourriture est de faire la volonté de mon Père ". Ainsi le fruit que Marie donne à l'Enfant ne serait pas le fruit inconnu et interdit qui conduit au péché, mais le fruit de ses arbres : la poire, qui est le symbole de la volonté du Père. Et l'Enfant donnerait la pomme, qui avait été le symbole de la disgrâce, mais qui, ennobli par Lui, est devenu le gage de la rédemption.
L'image de la Mère avec l'Enfant n'est exposée de cette manière que trois fois par an : le Vendredi Saint, à la fête de la Nativité de Marie (8 septembre) et le jour de l'anniversaire de la fondation du sanctuaire (21 décembre). Tous les autres jours la Mère et l'Enfant sont enveloppés de vêtements ornementaux en forme de manteaux qui respectent les couleurs du temps liturgique de l'année, souvent brodés de dentelles, de pierres précieuses et de perles. Les vêtements mariaux, appelés aussi vêtements de Notre-Dame (Liebfrauenkleider), servent depuis 1500 d'ornements à l'image miraculeuse et ont été donnée pour la plupart par des femmes appartenant à la noblesse. Dans certains cas ils ont été faits par des bienfaitrices, de leurs mains, utilisant des matières précieuses, et il s'agit souvent de leur robe de mariée. Le don du trousseau pour l'image miraculeuse est souvent né du désir de mettre son offrande au contact direct avec l'image vénérée. Les trousseaux à disposition aujourd'hui viennent pour la plupart des XIXe et XXe siècles. L'image possède aussi plusieurs couronnes votives, respectivement une pour la Madone et une, plus petite, pour l'Enfant Jésus. En 1908 l'image a été couronnée solennellement avec les couronnes bénies par le pape Pie X, don du Primat hongrois, le Cardinal Alessandro Rudnay (1760-1831). Parmi les dernières couronnes votives il y a aussi celles des époux Otton et la Reine de Habsbourg.
De la cellule au sanctuaire des slaves et des hongrois
Les premiers pèlerins célèbres qui se rendirent à Mariazell furent le noble Vladislav Henri de Moravie (1160 - 1222) et son épouse. Sur l'ordre de saint Venceslas ils partirent pour Mariazell et furent guéris d'une forme grave de goutte. En remerciement de cette guérison, le noble fit construire en 1200 autour de la cellule une chapelle de style roman. Une enseigne placée sur le portail principal rappelle encore aujourd'hui l'année de la construction : 1200. C'est ainsi que le noble Vladislav Henri de Moravie construisit la première église pour la Madone de Mariazell, vénérée sous le titre de " Mater Gentium Slavorum " (Mère des peuples slaves), et diffusa le message de son aide miraculeuse dans les régions de langue slave.
De même la période gothique à laissé ses traces : en 1340 fut construite la cantoria gothique, en en 1360 commença la construction de la magnifique triple nef. La construction de l'église gothique est due au roi Ludovic Ier de Hongrie (1326-1382). Il contribua de façon substantielle à la signification interrégionale de Mariazell. De nouveau ce fut un cœur reconnaissant qui se montra généreux dans sa vénération de la Mère de Dieu : en 1365, le roi Ludovic vainquit, au nom de la Mère de Dieu, une cavalerie ottomane numériquement supérieure. La légende raconte que la première nuit de la bataille décisive il pria devant une précieuse icône mariale. Le matin suivant il se réveilla avec l'icône sur la poitrine. Il partit ainsi pour la bataille au nom de Marie et fut vainqueur. En signe de remerciement il alla en pèlerinage à Mariazell et donna l'icône miraculeuse qui se trouve aujourd'hui près de l'autel de la trésorerie. Au roi Ludovic Ier l'on doit aussi la chapelle miraculeuse qui fut construite aux alentours de 1370. Grâce au roi Ludovic, Mariazell est devenu un sanctuaire aussi pour le peuple hongrois, qui vénère ici Marie comme " Magna Hungarorum Domina " (Grande Dame de la Hongrie). Le sanctuaire marial au cours de l'histoire est devenu le but le plus important des pèlerins hongrois. Comme aucun autre lieu de grâce, Mariazell est un point de repère pour les peuples catholiques de l'Europe centrale et orientale. Les deux princes - le slave Vladislav Henri et le hongrois Ludovic Ier - saluent encore aujourd'hui les pèlerins, depuis le portail oú ils sont représentés par des figures de taille humaine. Le lieu est le centre spirituel des peuples catholiques de la région du Danube. L'histoire des pèlerins de Mariazell fait ainsi partie de l'histoire de l'occident chrétien.
Mariazell dans la période de la dévotion catholique renouvelée
De l'édifice gothique aujourd'hui il reste le campanile central et la nef, qui cependant a été modifiée en style baroque. Toute l'église a en effet été transformée de façon significative : le catholicisme, nouvellement renforcé après la Contre-réforme, et la dévotion populaire baroque firent qu'au XVIIe siècle de nombreux pèlerins arrivèrent à Mariazell. Et Mariazell connût une période particulièrement florissante comme sanctuaire national de la maison des Habsbourg, qui confia non seulement son destin personnel mais tout le pays et son peuple à la protection de Mariazell. C'est aussi pour cette raison que les dons de la maison impériale au sanctuaire sont très nombreux et significatifs : les grilles de l'autel du miracle sont un cadeau de l'Impératrice Marie-Thérèse (1717-1780) qui est souvent venue avec ses enfants à Mariazell. L'exemple de la famille régnante conduisit les nobles, les membres de la bourgeoisie et enfin la population paysanne à accomplir des pèlerinages à Mariazell. L'église gothique ne réussit plus à accueillir le grand nombre de pèlerins. C'est pour cette maison que l'abbé Benoît Pierin de St. Lambrecht (1638 - 1662) décida l'agrandissement baroque qui donna à l'église son aspect caractéristique actuel. Tout fut possible grâce le soutien efficace de l'empereur Ferdinand III (1608-1657). Les projets pour la restructuration et pour la nouvelle construction sont dus à l'architecte du monastère de St. Lambrecht Domenico Sciassia (1599/1603 - 1679).
L'agrandissement baroque fut effectué à partir de 1644, en 50 ans, sous les abbés Benoît Pierin et Franz von Kaltenhausen (1662-1707). Les piliers gothiques furent recouverts et les voûtes ornées de stucs et de fresques. Puis furent ajoutées une série de chapelles latérales. On relia l'ancien et le nouveau de façon harmonieuse. A l'origine Domenico Sciassia avait projeté une façade baroque à trois campaniles, avec la restructuration du campanile central gothique. Par respect pour la signification de Mariazell pour les hongrois, dont le roi Ludovic Ier avait fait construire le campanile gothique, ce projet ne fut pas réalisé, et ainsi naquit la façade caractéristique de Mariazell avec l'unique campanile gothique au centre qui aujourd'hui est son symbole caractéristique. La basilique de Mariazell est un exemple réussi de l'association de différents styles architecturaux et époques artistiques en l'honneur de la Madone et pour la gloire de Dieu.
Le chœur gothique ad oriente fut totalement démoli en 1654 pour créer un espace à la suite de la construction baroque. Pour la restructuration de l'église, l'architecte Domenico Sciassia et son commanditaire l'abbé Franz von Kaltenhausen avaient eu leur inspiration lors d'un voyage à Rome. Cette inspiration les encouragea à la construction de la plus grande coupole (10 x 15,14 x 50 m) du Nord des Alpes. La chapelle miraculeuse avec la statue de la Madone se trouve aujourd'hui exactement au centre de l'église qui, en un certain sens, fut construite dessus, comme ce fut le cas également à Einsiedeln ou à Lorette. La longueur totale de l'église est de 84 m, sa largeur est de 30 m. Domenico Sciassia mourut en 1678 à Mariazell, quatre ans avant l'achèvement de son œuvre. Il fut enseveli dans la nef latérale du Sud. La restructuration baroque de la basilique se termina le 31 août 1704, par la consécration de l'autel majeur par l'abbé de St. Lambrecht, Franz von Kaltenhausen. Les plus importants artistes de l'époque s'occupèrent du magnifique décor intérieur, et firent de cette église l'un des édifices baroques les plus beaux de l'art chrétien. La "Magna Mater Austriae", la Grande Mère Miraculeuse de l'Autriche, est aujourd'hui plus que jamais le symbole de la vive foi chrétienne. En 1907 l'église fut élevée au rang de Basilique mineure. L'érection pontificale fut communiquée en 1908 par le Nonce. Les pèlerinages à Mariazell continuèrent de manière ininterrompue jusqu'en 1908 par le Nonce. Mariazell est encore aujourd'hui l'un des plus importants sanctuaires d'Europe centrale. A l'occasion du 850e anniversaire de sa fondation, en 2007 de nombreux travaux de restauration ont été achevés, menés en une quinzaine d'années, et rendus possibles grâce à l'aide généreuse de milliers de bienfaiteurs. Le sanctuaire est désormais prêt à accueillir le pape Benoît XVI comme hôte illustre et comme pèlerin.
Les tragédies de l'histoire n'épargnent pas le Sanctuaire
Mariazell a toujours participé au destin et à l'histoire du peuple et du pays. En 1420 les Turcs avancèrent d'Orient et arrivèrent pour la première fois jusqu'à Mariazell, provocant l'incendie du village et de l'église. En 1532 une nouvelle armée turque arriva à Mariazell et incendia plusieurs maisons. En 1683, l'année de l'occupation turque de Vienne, par peur d'une nouvelle invasion turque, l'image miraculeuse et l'icône de la trésorerie donnée par le roi Ludovic de Hongrie furent portées à St Lambrecht. Ils retournèrent cependant la même année sur leur lieu d'origine.
L'histoire du sanctuaire marial d'Europe centrale reflète aussi les effets de la mentalité de l'époque. Un coup dur pour Mariazell fut la fermeture du monastère mère de St Lambrecht, de 1786 à 1802, sous l'empereur Joseph II (1741-1790). Avec le décret de fermeture de 1782, des 915 monastères masculins et féminins de l'époque, de langue allemande dans la région, seulement 388 furent conservés. Les édifices sacrés, toutes les possessions de l'Eglise, les chapelles, les abbayes et les monastères et tout le mobilier sacré furent affectés à la fondation religieuse pour qu'elle poursuive des buts pédagogiques et sociaux. Jusque-là le monastère de St Lambrecht avait été le propriétaire de Mariazell et des terres l'environnant. Les réformes de l'empereur Joseph avaient un effet direct sur Mariazell : les pèlerinages devinrent plus difficiles dans un premier temps, puis furent totalement interdits. En 1786 il fut interdit d'habiller l'image miraculeuse de Mariazell avec des habits précieux, et l'interdiction fut levée seulement en 1797 par l'empereur François II (1768 - 1835). Mais les temps changèrent. A partir de 1796 on vînt de nouveau en pèlerinage chaque année, de Vienne à Mariazell. Ce qui dans l'esprit de l'époque était apparu inopportun et avait été empêché par les lois et les interdictions, resurgit à une nouvelle vie. Mariazell est ainsi le symbole d'une Europe chrétienne contre les dangers extérieurs (les menaces des Turcs) et intérieurs (les menaces de l'esprit de l'illuminisme).
Mariazell n'a pas non plus été épargné par les guerres. Le sanctuaire fut par exemple contraint, avec la remise de l'argenterie ordonnée par les autorités locales, de financer la guerre contre les français en 1800. De nombreux trésors artistiques durent être remis aux fonderies. A la Première guerre mondiale, le sanctuaire fut aussi contraint de donner son toit en cuivre. Tout au long de l'histoire, de nombreuses disgrâces frappèrent le lieu et le sanctuaire : à l'occasion du grand incendie de 1827 qui réduisit en cendres le village presque entier, l'église fut aussi gravement endommagée. Le toit et les couvertures des trois campaniles furent complètement détruits et même les cloches fondirent. L'intérieur de l'église fut en grande partie épargnée par les flammes. Toute la monarchie contribua, dans une œuvre commune, à la réparation des dommages.
Comblé de dons par des cœurs reconnaissants
La basilique du sanctuaire est née grâce à de petits et grands dons des fidèles qui avaient reçu la grâce de la Madone de Mariazell, et grâce à l'engagement d'importants artistes de différentes époques. Le noble Vladislas Henri de Moravie et le roi Ludovic de Hongrie commencèrent la construction de l'église romane et gothique aux XIIIe et XIVe siècles. Ils furent suivis d'innombrables fidèles voulant donner une expression à leur sentiment de gratitude : un signe important est l'autel majeur donné en remerciement par l'empereur Charles VI (1685 - 1740). Il fut construit selon un projet de Jean Bernard Fischer d'Erlach et consacré en 1704. L'autel majeur de Mariazell est parmi les premières œuvres de l'art de la haute époque baroque. C'est une représentation artistique particulièrement belle de la Trinité Divine et elle fut admirée déjà immédiatement après sa construction. Fischer d'Erlach l'appela non sans une pointe d'orgueil " une œuvre comme on en voit peu... ". Au-dessus de la table de l'autel, sculptée en un bloc unique, flotte un tabernacle en forme d'une sphère terrestre en argent, enveloppée par un serpent, symbole du péché. Au-dessus apparaît la représentation du trône miraculeux. Les figures de Dieu le Père et de Jésus-Christ sont en argent. Les figures de Marie et de Saint Jean, de même que les deux anges orants, ne sont pas les originaux de l'époque de la construction de l'autel puisque ceux-ci, en 1806, disparurent derrière l'ordre de financer les guerres contre les français. L'année suivante ils furent remplacés par des statues en bois classiques, plaquées d'argent. Toute la scène est encadrée par un arc triomphal monumental sur lequel est représentée la gloire céleste avec la colombe de l'Esprit Saint et de nombreux anges.
L'autel miraculeux de la chapelle qui conserve la statue de la Madone est de Joseph Emanuele (1693 - 1742), fils de Jean Bernard Fischer d'Erlach. En 1756, à l'occasion du 600ème anniversaire, l'impératrice Marie-Thérèse donna la riche grille d'argent comme promis trois ans auparavant dans un pèlerinage. C'est aux plus importants artistes de l'époque qu'est due la décoration intérieure, qui en a fait l'un des plus beaux édifices de l'art chrétien.
La basilique de Mariazell accueille aujourd'hui environ 2.500 images votives, la plus grande collection du genre en Autriche. Parmi celles-ci il y a environ 510 tableaux sur toile, bois, ou laiton, 860 estampes avec dédicaces, 340 autres images, photographies encadrées avec dédicaces, plaques de marbre et graphiques. En outre la collection comprend environ 3.200 dons votifs, parmi lesquels des fiefs matrimoniaux, des bijoux, des voiles de mariées et des chapelets, ainsi que les " pièces de trésorerie " véritables, en or, argent, ou pierres précieuses. Les objets votifs en cire et argent sont très nombreux. La période baroque fut l'époque de la floraison des pèlerinages ainsi que des dons d'images et objets votifs. Entre 1600 et 1780 des milliers d'images votives ont été apportées à Mariazell. Le fait qu'aujourd'hui on conserve seulement environ 20 images votives des XVIIe et XVIIIe siècles est dû surtout aux interdictions de l'empereur Joseph II (1780-1790) et à l'incendie de 1827 qui endommagea gravement la basilique. Il n'est donc pas surprenant que les images votives conservées aujourd'hui à Mariazell soient presque exclusivement des XIXe et XXe siècles. Elles sont conservées dans les chapelles et reflètent la multiplicité de la souffrance et de l'imagination à exprimer sa reconnaissance. Le sanctuaire, par ses dons et ses objets votifs, est un témoignage éloquent de l'expression que peut prendre le sentiment de gratitude.
Un sanctuaire international
La première mention documentée de "Zell" remonte à 1243. Plusieurs autres documents qui se sont ajoutés plus tard montrent que Mariazell avait déjà acquis une certaine renommée. En 1330 l'église de Notre Dame de Zell est citée dans un décret d'indulgence de l'évêque de Salzbourg, Frédéric III, comme un sanctuaire " très visité ". Dès 1344 le village reçoit le droit de tenir un marché. Très importante pour Mariazell est la concession de l'indulgence plénière par le pape Boniface IX en 1399. Elle a été accordée pendant la semaine après l'octave de l'Assomption et a conduit au développement de rites de pénitence et de processions, qui ont été conservés même après l'abolition de cette indulgence et qui sont documentés jusqu'à la période du baroque. L'afflux de pèlerins augmentait continuellement.
Aux alentours de 1400 il y avait déjà une vingtaine de boutiques pour la vente d'objets votifs et environ cent ans plus tard Mariazell était connu comme sanctuaire international. Des pèlerins de l'actuelle Bavière, de Bohême, de France, de Croatie, de Pologne, d'Allemagne, de Suisse et surtout d'Autriche et de Hongrie, venaient nombreux déjà à l'époque chercher l'aide de la Madone miraculeuse de Mariazell. Autour de 1500, seize nations et territoires d'oú venaient les pèlerins sont documentés. Le caractère plurilingue n'a pas changé, jusqu'à aujourd'hui. Les publications mises à disposition et la possibilité de se confesser en plusieurs langues en sont l'expression.
Après la chute du rideau de fer, les pèlerins des pays voisins à l'Est et au Sud de l'Autriche peuvent de nouveau atteindre Mariazell. En 1990, un pèlerinage d'action de grâce pour la liberté a été organisé, auquel ont participé 25.000 pèlerins des états jusque-là de l'autre côté du rideau de fer. Un " pèlerinage des peuples " historique a eu lieu le 22 mai 2004 : à quelques semaines de l'élargissement de l'Union européenne se sont réunis environ 100.000 pèlerins de Bosnie-herzégovine, Croatie, Pologne, Slovaquie, Slovénie, République Tchèque, Hongrie et Autriche, pour fêter ensemble l'événement central de l'Assemblée des catholiques ("Katholikentag") de l'Europe centrale. Une grande partie de l'histoire autrichienne et européenne a un rapport avec Mariazell, jusqu'à aujourd'hui et dans l'avenir. Le couronnement de l'histoire séculaire de Mariazell est sans doute la visite du pape Jean-Paul II le 13 septembre 1983. Pour la Hongrie, Mariazell est restée depuis plus de 500 ans le sanctuaire le plus important, même s'il s'agit d'un pèlerinage long et d'un pays d'une autre langue.
Les copies de la statue de la Madone de Mariazell sont très répandues. Dresser une liste complète de tous les lieux dans lesquels on vénère les statues de la Madone de Mariazell est pratiquement impossible. On les trouve dans les différentes régions d'Autriche, dans les églises des pays voisins, en Hongrie, dans la République Tchèque, en Slovaquie en en Allemagne. On en vénère aussi en Pologne et dans des pays outre-Atlantique. Dans la période de l'empire austro-hongrois, quand Mariazell était un sanctuaire de la monarchie, la demande de ces copies était particulièrement grande. Pendant cette période des statues en bois ou en argent étaient produites par milliers. On pouvait en commander dans toutes les dimensions, en fonction des besoins.
Les maisons des Bénédictins qui depuis des siècles sont responsables du sanctuaire, sont toujours ouvertes et invitent à la convivialité. Outre la Conférence épiscopale autrichienne, qui chaque année se rencontre à Mariazell, les Conférences épiscopales de la Hongrie et de la République Tchèque ont choisi le sanctuaire riche de tradition pour leurs assemblées.
Dans le cadre de "Shrines of Europe", Mariazell s'est uni depuis 1996 à cinq autres sanctuaires mariaux : Altötting (Allemagne), Chestokowa (Pologne), Fatima (Portugal), Lorette (Italie) et Lourdes (France). Depuis le 6 mai 2002 il existe un jumelage avec Esztergom en Hongrie, la ville qui fut le siège épiscopal du Cardinal Joseph Mindszenty, dont la tombe a été pendant 16 ans dans la basilique de Mariazell.
Deux célèbres pèlerins à Mariazell
Entre 1975 et 1991 Mariazell a accueilli la tombe du Cardinal Joseph Mindszenty (1892 - 1975) jusqu'à ce que celui-ci trouvât son dernier repos dans le ville d'Esztergom désormais libre. Après 1945 le cardinal de Budapest a été le symbole de la résistance contre le communisme en Hongrie. Après un procès public en 1949, dans lequel il fut condamné à la prison à vie, et après la suppression de la révolte hongroise par l'Armée Rouge en 1956, il se réfugia à l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Budapest, et à partir de 1971 a vécu en exil à Vienne. Selon son testament, sa dépouille mortelle devait être enterrée à Mariazell et portée à Esztergom seulement quand " l'étoile de l'athéisme de Moscou sera tombée du ciel de Marie et de saint Etienne ". Ce qui est arrivé après le retrait des forces d'occupation, le 4 mai 1991. Sur la pierre tombale à Mariazell est gravé en latin : "vita humiliavit - mors exaltavit" (La vie (l') humilia ; la mort (l') exalta).
C'est en 1983 que le pape Jean-Paul II a visité l'Autriche pour la première fois. Lors de sa visite il a rappelé les événements des trois siècles précédents, depuis qu'en 1683 les troupes de l'Empire ottoman occupèrent Vienne, largement supérieures en nombre. Le pape Jean-Paul II a rappelé l'histoire de l'Autriche au cœur de l'Europe, dont il a partagé et influencé le destin de façon particulière. Dans son homélie aux vêpres sur la "Heldenplatz" à Vienne, le 10 septembre 1983, il a rappelé la multiplicité des peuples qui ont cohabité dans un espace resserré et non sans tensions mais de manière créative, faisant de la multiplicité leur unité. Sur le territoire de la petite Autriche actuelle - rappelait le pape Jean-Paul II - sont profondément imprimés les traits caractéristiques des celtes et des romains, des germains et des slaves, qui restent vifs dans la population. En cela l'Autriche était pour le pape un modèle et un miroir de l'Europe. Un élément qui a contribué à l'unité dans la diversité sur le continent européen a été surtout la diffusion de la foi chrétienne. Cette foi fit aussi trouver la force aux défenseurs de Vienne et les remplit de la certitude qu'ils combattaient non seulement pour leur pays mais aussi pour l'Europe et pour la chrétienté. Le pape Jean-Paul II évoqua aussi dans sa visite les chrétiens d'aujourd'hui, leur rappelant leur responsabilité commune dans le retour aux profondes racines spirituelles communes : " La bataille spirituelle pour une survie en paix et pour la liberté demandent le même engagement, le même courage héroïque, la même disponibilité au sacrifice, la même force de résistance que ceux grâce auxquels nos Pères sauvèrent alors Vienne et l'Europe ! Prenons cette décision et confions-la au symbole de la Croix du Christ, du Seigneur de toute l'histoire puisque sur la Croix il y a vraiment l'espérance et le salut ! ". L'héritage culturel commun du continent européen ne peut se comprendre sans le contenu du message chrétien. Cette culture chrétienne, qui s'est mélangée de façon grandiose avec l'esprit antique, forme un héritage commun auquel l'Europe doit sa richesse et sa force, la floraison de l'art et de la science, de l'éducation et de la recherche, de la philosophie et du culte divin. Dans le cadre du patrimoine de foi la vision humaine s'est imprimée de façon particulière sur la culture européenne.
Les pèlerinages - d'après ce que dit le pape Jean-Paul II - ont promu " la compréhension réciproque entre des peuples très différents. Par cela ils ont aussi contribué à marquer l'identité de l'Europe. Et justement ici à Mariazell... venaient depuis des siècles des chrétiens de toute l'Europe et surtout des pays slaves. Moi-même, polonais et romain, je suis heureux de venir aujourd'hui à Mariazell ".